Du rififi chez les hommes, de Jules Dassin (1955)

Du rififi chez les hommes

Réalisation : Jules 
Dassin
Scénario : Jules 
Dassin, René Wheeler,
Auguste Le Breton
Chef opérateur : 
Philippe Agostini
Nationalité : 
France
Musique : Georges
Auric et Philippe 
Gérard
Avec : Jean Servais, 
Carl Mönher, Robert 
Manuel, Jules Dassin...
Production : Indus 
Films, Pathé Cinéma,
Prima Films
Durée : 114mn
Date de sortie en
France : 13 avril 1955

Cinq ans de prison et la tuberculose ont affaibli Tony le Stéphanois, ex-caïd. Pour se refaire, il prépare minutieusement avec ses amis Jo le Suédois, Mario et César, le hold-up d’une bijouterie parisienne. Le coup réussit au-delà de leurs espérances. Une bande rivale, voulant s’approprier le magot, combat Tony et ses amis. La guerre fait rage et cesse faute de combattants, les deux bandes rivales s’étant mutuellement anéanties.

        Du rififi chez les hommes est le premier film de Jules Dassin tourné en France, après son exil des Etats-Unis où sévissait alors le maccarthysme. Dénoncé publiquement pour sympathie communiste, le père de Joe Dassin avait beaucoup de mal à trouver un projet une fois dans l’Hexagone, les USA menaçant de ne pas distribuer ses films. Ce qui explique qu’il accepte le premier script qu’on lui tend, à savoir cette adaptation d’un roman d’Auguste Le Breton, qu’il juge pourtant très faible dans son contenu. Et effectivement le scénario de ce film noir n’a rien d’original, enchaînant les passages obligés du genre de façon linéaire. Pourtant le réalisateur parvient à instaurer une ambiance impeccable et un suspens diabolique, en partie avec ses acteurs géniaux, à commencer par Jean Servais en gangster glacial et machiste. Ce qui impressionne aussi, c’est la qualité de mise en scène. Certes le réalisateur avait déjà derrière lui une solide carrière américaine, notamment dans le polar, mais ici tout est millimétré, cohérent, chaque disposition de personnage dans le cadre est calculé en fonction d’une signification (rapports de force entre truands ou hiérarchie homme/femme). La scène où deux amis de Tony exposent leur plan dans un bar est un exemple parmi d’autres : zoom parfait sur la bijouterie en face du bar, puis retour sur les trois gangsters, le tout posent l’ambiance et les objectifs du film dès les premières secondes.

Du rififi chez les hommes
Tony le Stéphanois (Jean Servais), en arrière-plan.

        Mais le plus gros morceau de bravoure de Du rififi chez les hommes, c’est bien sûr sa monumentale séquence de cambriolage, tout simplement le summum en la matière. Une demi-heure nerveuse sans dialogue ni musique, simplement le déroulement minutieux du plan des cambrioleurs dans une tension intense. Du grand art, et un film dont on retrouvent des traces évidentes dans de nombreux autres films (chez Melville, Tarantino, Mann, Woo…). La deuxième partie du film s’enchaîne directement, puisque le butin intéresse d’autres malfrats parisiens. Pas de répit pour les gens malhonnêtes ! Et c’est à un véritable massacre que nous convie Dassin pour le final, décidé à supprimer tous les personnages de son histoire. Beaucoup de scènes violentes sont filmés hors-champs, ce qui je trouve renforce leur impact; et Dassin ose utiliser le plan subjectif pour l’un des meurtres, sans doute pour montrer la rage de Tony lorsqu’il perd ses amis peu à peu, avant de sombrer lui-même après une envolée en automobile dans Paris qui n’est pas sans annoncer le A bout de souffle de Godard cinq ans plus tard.

A n'en pas douter, le film préféré des FEMEN !
A n’en pas douter, le film préféré des FEMEN !

        Les bas-quartiers populaires et autres rues mornes ou sordides sont omniprésentes, on est loin des avenues clean et villas luxueuses de la capitale. Les gangsters de ce film sont fauchés et vivent dans des taudis, fréquentent des boîtes suspectes et des bars miteux. Leur misogynie est ouvertement affichée, le film est même une célébration de la femme soumise au foyer (première scène du film : la femme de Jo décroche le téléphone, aspirateur dans la main tandis que son mari lis le journal dans le canapé), qui se laisse fouetter pour être punie et qui est très sensuelle pour l’époque (voir Claude Sylvain et ses tenues plutôt légères pour une femme de 1955). De plus, la gouaille parisienne des acteurs est absolument géniale, tout comme certains dialogues exquis (une fois de plus, la misogynie est de mise dans ces répliques). Une certaine vision décadente et malsaine des bandits, loin des strass & paillettes que l’on peut voir ailleurs. Le nihilisme de l’oeuvre prend tout son sens à la dernière seconde du film, la rédemption n’aura pas lieu : si ce n’est pas la police, ce sera les autres bandes rivales qui auront raison de Tony et ses acolytes ! Bluffant de pessimisme. Un film hautement recommandable !

                                                                                                                                             Dr. Gonzo

1 commentaire

  1. Après le chef d’oeuvre qu’était « les forbans de la nuit », ce « rififi » pouvait paraître un peu terne aux yeux des amateurs de Dassin à l’époque. Aujourd’hui, le film porte en lui la force des grands polars des années 50, à placer aux côtés des oeuvres magistrales du père Melville. Son dernier grand film (je n’ai pas vu « Topkapi » mais on en dit tout de même beaucoup de bien). Bel hommage.

Laisser un commentaire