Parmi les métiers à haut risque je citerais, en plus de critique sur Cinefusion : pompier, démineur, juge antimafia, correspondant de guerre, mineur, volcanologue, fan de Véronique Genest, dompteur, convoyeur de fonds, sidérurgiste et… chauffeur de taxi. Oui, chauffeur de taxi. A en croire le film de Michael Mann, c’est un métier foncièrement dangereux, dans le sens où n’importe quel client peut se révéler être un psychopathe, un terroriste, un tueur à gages, un prof de latin (les pires de tous, glp !).
Max est taxi de nuit à Los Angeles. Un soir, il se lie d’amitié avec une dénommée Annie Farrell, une belle femme procureur montée à l’arrière de son véhicule. Quelques minutes plus tard, c’est au tour d’un homme prénommé Vincent de monter dans le taxi. Un businessman, selon toute apparence, avec un emploi du temps chargé : pas moins de cinq rendez-vous à tenir dans la nuit. Max accepte de lui louer ses services jusqu’au petit matin, en échange de 600 dollars.
Collateral, c’est donc l’histoire extraordinaire d’un type ordinaire qui rencontre un type extraordinaire. Vous suivez toujours ? Vous êtes des choux.
Le type ordinaire, c’est Jamie Foxx / Max, le chauffeur de taxi. Pour l’instant, être taxi, ça n’est que temporaire pour lui : il a un autre projet, plus ambitieux. Seulement, il a beau avoir de belles idées, il n’est pas très entreprenant. On a envie de lui dire : « Eh coco ! Tu mets des anchois dans tes pizzas ? » mais, en l’occurrence, ça n’aurait aucun sens et ça ne ferait en rien avancer sa situation.
Le type extraordinaire qu’un beau jour il embarque par hasard dans son beau taxi jaune, c’est Tom Cruise / Vincent, un tueur à gages grisonnant, travaillant en free-lance, mystérieux, élégant, nihiliste mais pas suicidaire (ce qui me semble paradoxal). Pris en otage par ce passager quelque peu insolite, Max n’a d’autre choix que de conduire celui-ci à ses « rendez-vous », c’est-à-dire là où il dézingue ses victimes : cinq témoins visiblement gênants et qu’il faut liquider.
Néanmoins, au fur et à mesure de leur virée nocturne sur les highways de Los Angeles, une certaine « entente », un certain rapprochement se forme entre les deux hommes pourtant si différents. Sans doute que la promiscuité du taxi, sorte de confessionnal sur roues, y est pour quelque chose. Encore heureux que Vincent soit tombé sur un chauffeur sympa et que l’action se déroule à Los Angeles – j’imagine la même situation à Paris, avec un chauffeur taciturne écoutant Les Grosses Têtes à fond dans sa voiture et le tueur à gages qui craque et qui saute de la caisse…
Michael Mann ne m’a, pour le moment, pas déçu. Sauf quand il s’est déguisé en « Virus du Sida » pour le Nouvel An. Mais ça, c’est autre chose – il a un humour un peu particulier. Lui qui soigne aussi bien le côté technique qu’artistique de ses films, voilà avec Collateral un nouveau coup de maître de ce réalisateur pourtant encore moins médiatisé que Thierry Lepaon.
Lyrique, beau, mélancolique aussi, son film n’en est pas moins trépidant, rythmé, stylé. Et certains plans sont particulièrement poétiques, sinon irréels. Notamment cet instant presque magique où les deux hommes traqués par la police regardent, depuis leur taxi, passer un coyote sur la route, en pleine nuit, en plein Los Angeles. Quel est le message ? Sans doute voient-ils dans cet animal qui, à priori, n’a rien à faire là, une allégorie de la liberté (les deux hommes sont à présent comme deux animaux sauvages), de l’inhabituel (la situation entre nos deux amis), de la campagne présidentielle de Raymond Barre en 1988 ? Allez savoir !
Côté acteurs, Jamie Foxx assure comme d’habitude. Paire de lunettes sur le nez et rêves plein la tête, il est Max, un individu lambda qui n’est, finalement, pas aussi timoré qu’on pourrait le croire. Bien vite même, son instinct de survie et le fait que sa belle soit menacée le transforment et le transcendent.
Tom Cruise incarne quant à lui Vincent, un tueur froid, cynique, blasé, nihiliste comme je le disais plus haut, mais non dépourvu de charisme, voire d’une certaine sympathie ; disons qu’il n’est pas complètement antipathique. On ne sait pas quel sort il réserve à son taximan une fois sa virée meurtrière terminée – on peut néanmoins le deviner –, mais il semble cependant s’attacher à lui, peut-être attendri par ce doux rêveur, lui, le désabusé. J’avais un grand-oncle comme ça ; il était glacial avec tout le monde mais il m’aimait bien à cause de mon bec de lièvre. Il trouvait ça « cool »… Je n’ai pas de bec de lièvre. Et je n’ai pas de grand-oncle.
Quoi qu’il en soit, Tom Cruise est impeccable dans ce rôle de personnage mystérieux, à la fois aimable et menaçant, qui vient de nulle part et qui repartira on ne sait où. A lonesome poor killer.
Bref, le tandem entre les deux fonctionne très bien.
Enfin, le dernier acteur du film, et non des moindres, c’est la ville de Los Angeles elle-même. Filmée de haut, de très haut, comme souvent chez Michael Mann, c’est une immense cité coincée entre l’océan pacifique à l’ouest et les San Gabriel Moutains au nord, un immense labyrinthe entre ombre et lumière. Nocturne, bétonné, étendue, plate, noueuse, mystérieuse (presque vide en fait), moderne, américaine c’est une sorte de Pélouaille-les-Oies en plus beau… en plus illuminé… et surtout en beaucoup plus grand. A noter que Mann joue savamment sur la différence entre cet immense espace et l’étroitesse de l’habitacle du taxi, sorte de cocon, de refuge pour nos deux amis, face à l’immensité du monde extérieur. Je me relis et je trouve ça cool, « l’immensité du monde extérieur ».
Bref, voilà avec un Collateral un film typiquement « mannien », rondement mené, parfaitement maîtrisé et savamment orchestré. Une œuvre stylée, aux plans magnifiques et à l’ambiance partagée entre un réalisme froid et violent et un onirisme planant et hypnotique. Un coup de cœur de votre cher et tendre. Un film que je ne me lasse pas de voir et revoir… et revoir… et revoir… Fin de la communication. Bip !
Haydenncia
Mon film préféré de Michael Mann qui est un des cinéastes que je vénère le plus. Chacun de ses films sont des perles visuelles, et en plus, il parvient à parler de la campagne de Raymond Barre juste avec l’image d’un coyote. Si c’est pas sublime ça ! 😉
C’est qu’il est fort, ce Mann : c’est vraiment super Mann… La peine de mort pour ce jeu de mot pourri ^^.
Par contre, pour ma part, « Heat » est un poil (un tout petit poil) au-dessus, je trouve.
Une belle et grosse claque du début à la fin !!! Un chef d’oeuvre
Tu l’as dit Freddy ^^ ! Son prochain film, « Cyber », s’annonce d’ailleurs particulièrement attrayant. J’ai hâte !
Très agréable lecture qui me renvoie à des tas d’impressions fixées dans ma mémoire (les lumières de la ville, le coyote, la boîte de nuit, la carte postale, …) C’est vraiment un cinéaste que j’adore, qui a su styliser le polar comme aucun autre. Super Mann, le jeu de mot est éculé certes, mais dans l’esprit de Godard qui y avait cédé il y a belle lurette dans un article à propos d’un autre (Anthony).
Je n’ai pas évoqué la scène de la boîte de nuit qui est pourtant, c’est vrai, tout à fait trépidante. Cette séquence m’a rappelé quelques nuits de folie au Macumba Night de Gif-sur-Yvette, alors très prisé des tueurs à gages… On savait rigoler, à l’époque.
En tout cas, il est vraiment très fort derrière la caméra, Mann et j’espère qu’avec ses succès il n’est pas devenu trop mégalo, Mann (ok ! ok ! j’arrête ! ^^).
Très bon film ! De l’action et du polar bien dosé, je prends !
A mes yeux le meilleur film de michael mann avec « Heat ». Tom cruise et Jamie Foxx sont excellent dans leurs rôles, la mise en scène est sublime et l’intrigue on ne peut plus solide.
Rien à rajouter. Un ‘tain de bon film et pis c’est tout !
A reblogué ceci sur heart1001 (e-motions & movies).